À l’occasion de la Journée Internationale du sport féminin, le Dr Detaille vous propose un RDV Info Santé sur le sujet du ligament croisé antérieur chez la femme sportive.
Bonjour, je suis le docteur Detaille Vincent, je travaille à la Clinique du Ter.
Je suis médecin spécialisé en médecine et traumatologie du sport. Je vais vous parler aujourd'hui du ligament croisé antérieur et plus particulièrement de la lésion du ligament croisé antérieur chez la sportive.
Le ligament croisé antérieur est un des ligaments du genou. C'est un des ligaments les plus important du genou. Il sert à stabiliser le genou, essentiellement dans la direction antéropostérieure. Ce sont des lésions du ligament croisé antérieur qu'on retrouve le plus fréquemment dans la pratique du football, c'est une grosse pathologie qui peut entraîner pas mal de problèmes par la suite.
On a pu remarquer dans la pratique du football féminin une très nette augmentation de ces lésions, surtout quand on les compare avec la fréquence des lésions chez l'homme. On a des incidences qui sont beaucoup plus importantes et qui, en fonction des études, peuvent être de x2 à x4 par rapport aux hommes. Autre particularité par rapport à ça également, lorsqu'on a une lésion du ligament croisé antérieur, souvent, il y a une intervention derrière et on a remarqué qu'il y avait une plus grosse récidive de ces lésions, toujours par rapport aux hommes, chez la féminine. On peut également être touché sur le genou opposé. Chez les féminines, il y a plus d'atteintes du ligament croisé antérieur, sur le genou opposé, une fois qu'on a eu une lésion du croisé antérieur sur le premier genou, et toujours ceci par rapport aux hommes.
Cette différence d'incidence dans les lésions du croisé antérieur nous a amené à réfléchir, il y a beaucoup d'études qui ont été faites pour essayer de trouver les causes. Ces causes, elles sont plurifactorielles. Il y a d'abord la propriété spécifique du ligament croisé antérieur qui est différente chez la féminine par rapport à l'homme. Les féminines ont un croisé antérieur qui peut être plus petit et qui peut être moins résistant à la distension, donc des ruptures plus importantes. On a également, bien sûr, la morphologie de la femme qui est différente par rapport à l'homme. On a, chez la femme, un bassin qui est un petit peu plus large et des genoux qui vont être plutôt en valgus, donc cette formation comme ceci, ce qui va entraîner des contraintes plus importantes sur le ligament croisé antérieur. Au niveau du genou en lui-même, il y a une morphologie qui est différente, avec entre autres ce qu'on appelle la pente tibiale. C'est l'inclinaison du tibia qui est différente par rapport à l'homme. Tout ceci ce sont des des facteurs qui entraînent une augmentation du risque de rupture du croisé antérieur. Ensuite il y a également les propriétés musculaires. On peut se dire que la femme a peut-être des muscles un petit peu moins importants, un peu moins développés que l'homme, mais ce n'est pas une bonne explication parce que, chez les sportifs professionnels, on a des joueuses de football par exemple qui ont des quadriceps qui sont très musclés et malgré cela, on a quand même des ruptures du ligament croisé. Mais c'est plus dans la coordination, dans la contraction des différents muscles qu'il y a des différences. Les muscles protègent le ligament croisé antérieur, protègent le genou et on a besoin d'une bonne coordination avec les muscles qui se trouve devant la cuisse et derrière la cuisse et cette coordination, on appelle ça les propriétés neuromusculaires, sont également différentes et sont un petit peu moins performantes chez la femme que chez l'homme. Dernière raison, qui est très importante, c'est le profil hormonal. On a remarqué que le profil hormonal, le taux d'œstrogène, interférait beaucoup sur l'incidence des ligaments croisés antérieurs.
On a remarqué que les lésions, au niveau du ligament croisé antérieur, étaient maximales entre le 10ème et le 14ème jour du profil hormonal de la femme. Pourquoi ? Parce qu'à ce moment-là il y a un pic d'œstrogène les œstrogènes ont donc une implication dans ce taux d'incidence. Ils sont diffusés dans tout l'organisme et les différentes structures, que ce soit au niveau des tendons, au niveau des muscles, au niveau du ligament également, ont des récepteurs à l'œstrogène et donc l'augmentation des œstrogènes va influencer ces différents composants et modifier leurs propriétés, que ce soit propriétés mécaniques, mais également ce fameux contrôle neuromusculaire.
Ce taux de lésion du ligament croisé antérieur nous a interpellé au niveau médical et bien entendu on essaie de diminuer cette fréquence en agissant sur ces différentes causes. La Fédération Française de Football a été très interpellée, a lancé beaucoup d'études et a établi un protocole qui s'appelle le protocole FIFA 11+, que vous pouvez trouver sur internet, spécifique au football mais qui peut être utilisé dans les autres sports également, où on essaie d'intervenir sur différents facteurs. Il s'agit d'un protocole qu'on introduit pendant l'échauffement essentiellement, avec des exercices qui sont ludiques et qui vont intervenir sur ces différents composants, que ce soit sur la force musculaire, sur les propriétés neuromusculaires, sur le travail proprioceptif et le contrôle des réceptions lors des différents appuis. Autre point sur lequel on doit faire attention, c'est le profil hormonal.
On a vu qu'il y avait un rôle très important du taux d'œstrogène en fonction du cycle sur l'incidence des ligaments croisés antérieurs, des ruptures du ligament croisé antérieur. Les études sont toujours en cours actuellement à ce niveau là et insistent sur l'importance du suivi gynécologique des sportives. Effectivement, en fonction du jour du cycle, les entraînements vont parfois être modifiés pour essayer de diminuer les risques à l'entraînement, lorsqu'on est entre le 10ème et le 14ème jour du cycle. Et puis, deuxièmement, une consultation gynécologique avec des gynécologues qui sont maintenant formés spécifiquement dans le domaine du sport. J'insiste beaucoup là-dessus parce que je pense qu'il est très important que les jeunes sportives aient un suivi gynécologique qui soit instauré pour pouvoir tenir en compte ces différents paramètres.
Bien entendu tout ceci ne doit pas faire interrompre la pratique du sport parce qu'il y a beaucoup d'avantages à pratiquer du sport à tout point de vue. Le protocole qui a été mis en place par la Fédération Française de Football a permis une très nette diminution des lésions du ligament croisé antérieur. Moyennant ces précautions, c'est-à-dire les exercices de prévention, le suivi gynécologique, bien entendu, la pratique du sport doit continuer et est très positive, avec une nette diminution des incidences du ligament croisé antérieur.